Dans l’église où, béats et crasseux, maints fidèles
Apportent un encens de pieds ou de guano,
L’abbé Vigoureux et son compère Étourneau
De la chaire, en cinq secs, dépassent les modèles.
Bossuet, Ézéchiel et Jocrisse, comme un
Seul homme, à travers leurs discours se font entendre
Et la vieille Loti, plus fardé que Clilandre,
Rit au sabre avalé par le comte de Mun.
Hanotaux, en français d’almanach, pontifie :
Et tous, cabots, prélats, ont leur photographie
Dans les vitrines, près de l’assassin du jour.
L’œil somnole, en dépit des contenances roides,
Cependant que, malgré leur gorge faite au tour,
Les dames sans chemise ont un fort béguin pour
Barrès dont la froideur va jusqu’aux humeurs froides.
En sortant du dernier trou noir,
Dieu sait pourquoi, j'ai repensé
À toi qui te cachais pour boire,
J'ai ressenti de la fierté.
Tendance à tout laisser tomber,
J'ai glissé mes pas dans tes pas.
L'entropie va tout emporter.
Je suis un peu raté, papa.
Je croyais ne rien te devoir,
Que du capital mal placé,
Jusqu'au jour où, dans le miroir,
J'ai cru te voir, toi, déformé.
Et ma tronche de déterré,
Mes rictus, ma face de rat,
Ça ne m'a pas vraiment aidé,
Tu m'as un peu raté, papa.
Quand j'ai juré ne pas savoir
Que le fusil était chargé,
Toi, tu as fait semblant d'y croire
On n'en a plus jamais parlé.
La balle n'a fait qu'effleurer
Ton crâne et, depuis ce soir-là,
Je n'ai plus rien fait qu'échouer.
Je t'ai un peu raté, papa.
J'étais venu te débrancher,
Je t'ai trouvé mort dans tes draps.
Je suis reparti me torcher
La gueule. On s'est ratés, papa.
Si tu veux, prenons un fiacre
Laurent Tailhade (1854 – 1919)
Si tu veux, prenons un fiacre
Vert comme un chant de hautbois.
Nous ferons le simulacre
Des gens urf qui vont au Bois.
Les taillis sont pleins de sources
Fraîches sous les parasols :
Viens ! nous risquerons aux courses
Quelques pièces de cent sols.
Allons-nous-en ! L’ombre est douce,
Le ciel est bleu ; sur la mousse
Polyte mâche du veau.
Il convient que tu t’attiffes
Pour humer, près des fortiffes,
Les encens du renouveau.
Ballade pour congratuler mes bons amis les étudiants de l’A, sur leur intervention dans les affaires publiques
À Émile Cottinet.
Tigres ailés, feu mâchant par la bouche,
Licorne bleue aux ongles smaragdins,
Cocquecigrue, alérion farouche,
Hircocerf plus rapide que les daims,
Ils ont vaincu les animaux soudains :
Aspics, zébus aux flancs tachés de rouille,
L’aigle de mer avec les agamis.
De plus, ils sont très bons pêche-grenouille,
Portant sur eux tous les gris-gris, hormis
Le rameau d’or qui dissipe la Trouille.
En faveur du galon prenant la mouche,
Dans les cafés nocturnes, ces édens,
Ils vengent leur patrie, ou bien font souche,
Entre les draps impayés des catins.
« À bas Dreyfus ! À bas Zola ! » Gandins
Sortis de chez les Bons Pères, arsouilles
Qu’ont les bahuts les moins doctes vomis,
En eux Sottise impudente bafouille :
Mais à leurs mains aucun dieu n’a commis
Le rameau d’or qui dissipe la Trouille.
Pour Deschanel, grand maître ès fausse couche,
De la Sorbonne ils ornent les gradins.
Monsieur Barrès leur apprend comme on louche,
Pour éclipser calicots et mondains,
L’air cacatoire et la gigue en boudins.
Leur Président se bat parfois, mais souille
Les caleçons quadruples qu’il a mis
Et, dans la rue, où leur cohorte grouille,
Nul ne présente aux électeurs soumis
Le rameau d’or qui dissipe la Trouille.
envoi
Maître-valet, souteneur, niguedouille,
Accueille-les ! Ce sont bien tes amis.
Que chez Vervoort le troupeau soit admis.
Lâches, braillards, et tôt sonnant la gouille,
Qu’à leur crapule, un jour tout soit permis,
Fors le rameau qui dissipe la Trouille.